Vous venez de perdre un proche et recevez une succession. Entre le deuil et les démarches administratives, la question fiscale peut sembler secondaire. Pourtant, bien comprendre les règles est essentiel pour éviter les mauvaises surprises. Chaque année, des millions de Français héritent. La question cruciale est donc : faut-il déclarer cet héritage aux impôts sur le revenu ? La réponse, bien que semblant simple de prime abord, mérite d’être nuancée.
Nous aborderons le principe général, les exceptions où l’impôt sur le revenu entre en jeu, la distinction avec les droits de succession, ainsi que des conseils pratiques pour optimiser votre situation fiscale. Notre objectif est de rendre cette information accessible et utile pour tous, quel que soit votre niveau de connaissance en matière d’imposition.
Le principe général : la succession n’est pas imposable à l’impôt sur le revenu
Il est essentiel de commencer par une affirmation claire et directe : en principe, une succession en tant que telle n’est pas imposable à l’impôt sur le revenu en France. Cette règle découle du fait que la succession est considérée comme une transmission d’un patrimoine qui a déjà été soumis à une forme d’imposition, notamment les droits de succession. La succession représente un transfert de biens, de droits et d’obligations d’une personne décédée à ses héritiers.
Plus concrètement, cela signifie que si vous héritez d’une somme d’argent sur un compte bancaire, d’un bien immobilier (maison, appartement) ou de biens mobiliers (meubles, objets de valeur), vous n’avez pas à déclarer la valeur de ces biens à l’impôt sur le revenu. En effet, ces biens sont déjà pris en compte dans le calcul des droits de succession, un impôt spécifique à la transmission de patrimoine suite à un décès. La valeur du patrimoine transmis est assujettie aux droits de succession, mais pas à l’impôt sur le revenu.
Les exceptions : revenus générés par la succession imposables
Bien que la succession elle-même ne soit pas imposable à l’impôt sur le revenu, il est crucial de comprendre que les revenus qu’elle génère, eux, peuvent l’être. En effet, l’héritage peut être une source de revenus qui sont soumis à l’impôt sur le revenu, comme c’est le cas pour les revenus fonciers, les revenus de capitaux mobiliers ou les bénéfices d’une activité professionnelle.
Revenus fonciers (location d’un bien immobilier hérité)
Si vous héritez d’un bien immobilier que vous mettez en location, les loyers que vous percevez doivent être reportés comme revenus fonciers. Le régime d’imposition applicable dépendra du montant de ces revenus. Deux régimes principaux existent : le régime micro-foncier et le régime réel. Le régime micro-foncier s’applique si vos revenus fonciers bruts annuels ne dépassent pas 15 000 € (Article 5 bis du CGI) par an et vous permet de bénéficier d’un abattement forfaitaire de 30 % sur les loyers perçus. Le régime réel, quant à lui, vous permet de déduire les charges réelles liées à la gestion du bien (travaux, assurances, etc.), et est obligatoire si vos revenus dépassent 15 000 €.
Pour reporter vos revenus fonciers, vous devrez utiliser les formulaires spécifiques 2044 (déclaration des revenus fonciers) et 2042 (déclaration complémentaire des revenus). Il est important de bien distinguer les charges déductibles et non déductibles pour optimiser votre imposition. Voici un tableau qui illustre les différents types de charges déductibles dans le cadre du régime réel :
Type de charge | Exemples | Déductible ? |
---|---|---|
Travaux de réparation et d’entretien | Réfection de la toiture, remplacement des fenêtres | Oui |
Charges de copropriété | Frais de gardiennage, entretien des parties communes | Oui |
Taxe foncière | Taxe foncière sur le bien loué | Oui |
Assurances | Assurance habitation, assurance loyers impayés | Oui |
Intérêts d’emprunt | Intérêts d’un prêt contracté pour acquérir ou rénover le bien | Oui |
Charges locatives non récupérables | Certaines charges que vous ne pouvez pas refacturer au locataire | Oui |
Prenons un exemple : Vous héritez d’un appartement que vous louez 800 € par mois, soit 9600 € par an. Si vous êtes au régime micro-foncier, vous indiquerez 9600 € et bénéficierez d’un abattement de 30 %, soit 2880 €, et serez imposé sur 6720 €. Si vous êtes au régime réel et avez 4000 € de charges déductibles, vous serez imposé sur 5600 € (9600 € – 4000 €). Le choix du régime a donc un impact significatif sur votre fiscalité en matière de revenus fonciers.
Revenus de capitaux mobiliers (placements financiers hérités)
Si la succession comprend des placements financiers (actions, obligations, SICAV, etc.), les produits qu’ils génèrent (dividendes, intérêts, plus-values) sont imposables. Depuis 2018, le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), également appelé « flat tax », est le régime d’imposition par défaut (Article 200 A du CGI). Il s’élève à 30 % (12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux). Cependant, vous pouvez opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu si cela est plus avantageux pour vous, en fonction de votre tranche d’imposition. La déclaration de ces revenus se fait via le formulaire 2042-C.
Il est important de noter que les plus-values de cession de titres hérités peuvent bénéficier d’un abattement fiscal pour durée de détention, si les titres ont été acquis avant le 1er janvier 2018. Cet abattement réduit le montant imposable de la plus-value en fonction du nombre d’années de détention des titres. Voici un tableau qui illustre les taux d’abattement pour durée de détention applicables aux plus-values de cession de titres acquis avant 2018 :
Durée de détention | Taux d’abattement pour l’impôt sur le revenu | Taux d’abattement pour les prélèvements sociaux |
---|---|---|
Moins de 2 ans | 0% | 0% |
Entre 2 et 8 ans | 50% | 0% |
Plus de 8 ans | 65% | 0% |
Prenons l’exemple d’une succession de 100 actions d’une entreprise. Si vous vendez ces actions et réalisez une plus-value, cette plus-value est imposable, mais vous pouvez bénéficier des abattements pour durée de détention si les actions ont été acquises avant 2018. Cette mesure peut réduire considérablement votre impôt sur le revenu.
Bénéfices industriels et commerciaux (BIC) / BNC / BA (exploitation d’une entreprise héritée)
Si la succession comprend une entreprise individuelle, les bénéfices générés par cette entreprise sont imposables selon le régime fiscal applicable (micro-BIC, régime réel simplifié, régime réel normal). Le choix du régime dépendra du chiffre d’affaires de l’entreprise et de la nature de son activité. Il est important de noter que des exonérations partielles ou totales des droits de mutation à titre gratuit (succession ou donation) sont possibles sous certaines conditions. L’exonération Copé, par exemple, permet une exonération partielle si l’héritier s’engage à poursuivre l’activité pendant une durée minimale (généralement 3 ans) et à conserver les titres. La déclaration de ces bénéfices se fait via les formulaires spécifiques 2031 (déclaration des BIC) et 2042-C PRO (déclaration complémentaire des revenus des professions non salariées). Il est important de bien distinguer les charges déductibles et non déductibles pour optimiser votre imposition. Par exemple, les charges de personnel, les achats de marchandises et les frais de déplacement sont généralement déductibles (BOI-BIC-CHG-40-50).
La transmission d’entreprise en tant que succession est un sujet complexe qui peut bénéficier de dispositifs spécifiques d’exonération, notamment en matière de droits de succession, afin de favoriser la transmission des entreprises familiales et de préserver l’emploi. Il est conseillé de se faire accompagner par un expert-comptable ou un notaire pour étudier les différentes options et optimiser la transmission de l’entreprise.
Autres revenus possibles
Il est possible que la succession comprenne d’autres types de produits, tels que les redevances de droits d’auteur (si la succession comprend des œuvres littéraires, musicales, etc.). Ces produits sont également imposables à l’impôt sur le revenu et doivent être déclarés selon les règles spécifiques applicables à chaque type de revenu. En effet, les redevances de droits d’auteur sont imposables dans la catégorie des BNC (Bénéfices Non Commerciaux) et doivent être déclarées sur le formulaire 2042-C-PRO. Il est donc important d’identifier correctement la nature des revenus générés pour une déclaration conforme.
Les droits de succession (différent de l’impôt sur le revenu)
Il est crucial de ne pas confondre l’impôt sur le revenu avec les droits de succession. Les droits de succession sont un impôt sur la transmission du patrimoine suite à un décès (Article 777 du CGI). Ils sont calculés sur la valeur de la succession et sont payés par les héritiers. Le barème des droits de succession est progressif et dépend du lien de parenté entre le défunt et l’héritier. Des abattements sont prévus pour le conjoint survivant, les enfants et d’autres proches (Article 779 du CGI). La Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) estime que les droits de succession représentent environ 15 milliards d’euros de recettes fiscales chaque année. La déclaration des droits de succession se fait via le formulaire 2705.
Les droits de succession sont donc payés sur la valeur de la succession, avant toute imposition sur les revenus que cette succession génère. Ainsi, si vous héritez d’un bien immobilier d’une valeur de 200 000 €, vous devrez payer des droits de succession sur cette somme (après application des éventuels abattements), puis indiquer les loyers que vous percevrez si vous mettez ce bien en location. Il est possible d’utiliser un simulateur en ligne pour estimer les droits de succession (attention, ces simulateurs ne sont qu’indicatifs et ne remplacent pas un conseil personnalisé). Vous pouvez retrouver un simulateur sur le site service-public.fr.
Optimisation fiscale et conseils pratiques
Pour gérer au mieux votre situation fiscale suite à une succession, voici quelques conseils pratiques :
- Réaliser un inventaire précis : Établir une liste exhaustive de tous les biens, droits et obligations qui composent la succession est la première étape indispensable. Cela inclut les comptes bancaires, les biens immobiliers, les placements financiers, les biens mobiliers, etc.
- Identifier la nature des produits : Déterminer si la succession génère des revenus fonciers, des revenus de capitaux mobiliers, des bénéfices industriels et commerciaux, ou d’autres types de revenus.
- Choisir le régime fiscal le plus avantageux : Comparer les différents régimes fiscaux applicables et choisir celui qui permet de minimiser votre imposition. Par exemple, opter pour le PFU ou le barème progressif pour les revenus de capitaux mobiliers.
- Consulter un professionnel : En cas de situation complexe, n’hésitez pas à faire appel à un professionnel (notaire, avocat fiscaliste, expert-comptable) pour vous conseiller et vous aider à remplir vos obligations fiscales.
- Anticiper la transmission : La planification successorale est une démarche proactive qui permet d’optimiser la transmission de son patrimoine et de réduire les droits de succession pour ses héritiers.
Voici une liste de questions utiles à poser à un professionnel (notaire ou expert-comptable) :
- Quel est l’impact fiscal global de cette succession sur ma situation personnelle ?
- Quels sont les régimes fiscaux les plus avantageux pour les différents types de revenus générés par la succession ?
- Comment puis-je optimiser ma situation fiscale en matière de droits de succession et d’impôt sur le revenu ?
- Quelles sont les démarches à effectuer pour reporter correctement les revenus issus de la succession ?
- Existe-t-il des dispositifs spécifiques d’exonération ou d’allègement fiscal auxquels je peux prétendre ?
Pour conclure
En conclusion, la succession elle-même n’est pas imposable à l’impôt sur le revenu en France. Cependant, les produits qu’elle génère (revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers, bénéfices d’une entreprise, etc.) peuvent l’être. Il est donc essentiel d’identifier la nature de ces produits et de les indiquer correctement pour éviter les sanctions fiscales. En cas de doute, n’hésitez pas à consulter un professionnel pour vous accompagner dans vos démarches.
Nous vous encourageons à approfondir vos connaissances en consultant les ressources officielles (site des impôts, etc.) et à consulter un professionnel pour une analyse personnalisée de votre situation. Bien déclarer et comprendre les implications fiscales d’une succession est le meilleur moyen d’éviter les mauvaises surprises. En cas de litige avec l’administration fiscale, il est possible de saisir le conciliateur fiscal départemental.